QUAND DEMNA S’EN VA

Dix ans de mode, dix ans de grands écarts et de silhouettes dont les proportions tour à tour XL ou XS auront marqué la mode. Avec l’arrivée de Demna Gsvalia chez Balenciaga en 2015, le streetwear s’empare de la tradition et l’encapuche pour proposer des collections dont cette autocélébration fait état. A ceux qui le trouvaient amnésique, Demna répond en mode mémoriel et patrimonial. Des invitations (vrai faux portefeuille, boite Ebay…) aux accessoires (sneakers géantes, sac stiletto…), en passant bien sûr par les robes, les vestes, les hoodies, toute la galaxie Demna entre en constellation dans l’ancien hôpital Laennec devenue l’antre d’une rétrospective éphémère en deux parties. D’un côté, la dimension presque papale, vaticanesque, avec cette salle réservée à des objets du quotidien détournés et disposés comme des reliques, de l’autre, une procession immobile de vêtements sonorisée par la voix de Demna « défilant » en boucle, -une pour chaque silhouette- et qui télescopent en mode cacophonique.  Avec en « clou » de l’exposition, ce mail datant du 17 mai 2007 dans lequel la maison refuse un stage à l’intéressé… On suit ce parcours avec le sentiment physique de téléportation : toutes ces silhouettes, -du tailleur pied de poule porté avec des « boudoir cuissardes » sur un mannequin reconstitué, à la dernière robe de mariée et à la silhouette de Demna-, donnent au visiteur l’impression d’un voyage dans le temps parfaitement maîtrisé. Manteau d’archives à bras unique, prototypes, shopping bag façon carton mais en cuir (gris), boite Ebay étiqueté « Winter 24 collection » la société de consommation a ici rendez-vous avec l’artisanat, le « rodéo bag » lesté de serrures et de gris-gris (un sac personnel du créateur), avec une robe fleurie en Spandex à épaules pagodes : autant de témoignages uniques d’un style qui a détourné le bon et le mauvais goût en prolongeant le concept des ready-made annoncé par Marcel Duchamp en 1913. Une déconstruction des apparences par ailleurs déjà annoncée par d’autres, à commencer par Jean Paul Gaultier, Martin Margiela, Rei Kawakubo (Comme des Garçons). La fausse normalité d’un rouleau de scotch griffé, coïncide avec la présence d’un manteau entièrement brodé de fausses plumes, celle d’un manteau de cour XL ou d’un ensemble baggy, avec un « guide de montage traditionnel », une invitation pour le défilé de l’été 2024. Nulle trace des accessoires de la campagne publicitaire qui ont fait scandale en 2022. En artificier du temps, Demna Gsvalia brouille encore les pistes au point de créer l’illusion dans l’illusion, avec ce cortège haut en couleurs, où l’upcyling est roi.  

40 Rue de Sèvres 
75007 Paris, jusqu’au 9 juillet 2025.  

RÉSERVATIONS obligatoires  
exposition.balenciaga.com