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Claire Thomson-Jonville (Vogue France) : "Mon rôle signifie que je porte un héritage, et je le considère comme une véritable responsabilité."

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Nommée Head of Editorial Content de Vogue France en janvier 2025, Claire Thomson-Jonville pilote le magazine à un moment décisif pour la mode. Cette éditrice et entrepreneuse née en Écosse et installée à Paris conjugue vision d'outsider et approche holistique, faisant du bien-être un axe majeur de sa ligne éditoriale.

La prochaine Paris Fashion Week marque l’arrivée de nouvelles visions créatives. Quel est votre regard sur ce tournant et qu’aimeriez-vous y découvrir ?

Cette Fashion Week est historique. Les débuts des grands créateurs dans les maisons de couture parmi les plus prestigieuses de France ont suscité un intérêt considérable, avec en point d'orgue l'arrivée de Jonathan Anderson chez Dior et Matthieu Blazy chez Chanel. Avec tous ces changements, on ne peut qu'espérer un retour à une véritable créativité et un recentrage sur l'identité de ces maisons.

 

Après des études de droit à Édimbourg, vous êtes venue à Paris pour un programme à la Sorbonne. Aviez‑vous déjà l’ambition de vous consacrer à la presse et à la mode, ou est‑ce Paris qui a déclenché votre parcours créatif ?

Je savais que des études de droit m'ouvriraient de nombreuses portes et m'offriraient le luxe de pouvoir choisir ma voie plus tard. C'était une décision pragmatique, mais cela ne m'a pas empêchée de nourrir ma passion pour l'écriture et les magazines. J'étais rédactrice en chef du journal de l'université. Je me suis installée à Paris à l'âge de vingt ans pour étudier à la Sorbonne dans le cadre d'un programme d'échange avec Édimbourg. Depuis, j'ai fait de Paris ma ville d'adoption et je me suis plongée dans l'industrie de la mode. Mais je lis des magazines depuis mon adolescence et j'ai toujours collectionné les numéros de Vogue, en particulier les éditions française et italienne. Je me souviens que dès mon plus jeune âge, je voulais devenir rédactrice en chef de Vogue, et j'étais fascinée par le monde de la mode

 

Avant de rejoindre Vogue France, vous avez notamment été rédactrice en chef de Self Service Magazine et directrice éditoriale d’i-D France. Que retenez-vous de ces expériences et comment ont-elles façonné votre approche éditoriale actuelle ?

J'ai toujours abordé ma carrière comme un couteau suisse. Je ne me suis jamais limitée à un rôle précis, et c’est ce qui m'a permis de saisir des opportunités sous différents angles. J'ai toujours assumé ma position “d'outsider”, qui a joué un rôle clé dans ma capacité à trouver de nouvelles opportunités et à nouer des liens avec des personnes d'horizons divers. Ces années ont été passionnantes. Elles ont vraiment façonné ma perspective éditoriale et mon approche du contenu.

 

En parallèle de votre parcours dans la presse, vous avez fondé CTJ Creative, une agence de conseil en stratégie digitale et direction stylistique, puis Out of State, une retraite immersive axée sur le bien-être holistique. Qu’est-ce que ces deux initiatives - l’une centrée sur l’industrie professionnelle, l’autre sur un chemin d’introspection - vous ont appris sur votre approche globale de la beauté et de la créativité ?

Le bien-être occupe une place centrale dans ma vie quotidienne. Je m'en sers pour me libérer l'esprit afin de pouvoir me concentrer et repenser mon métier avec un regard neuf. Cela m'aide à rester alerte, ce qui est essentiel pour prendre des décisions éclairées dans un secteur en constante évolution. Et j'applique cette approche à Vogue. Le bien-être est un thème central dans le magazine chaque mois, sur le site web et dans nos vidéos. Nous avons également organisé notre premier événement bien-être à la fin du mois de juin, Vogue Wellness, avec un panel d'experts afin d'offrir une expérience holistique à notre public, et nous continuerons sur cette lancée en proposant encore plus d'initiatives dans les mois à venir. Pour moi, intégrer le bien-être dans notre contenu est le prolongement naturel de mes valeurs personnelles.

 

Vous avez été nommée Head of Editorial Content en janvier dernier. Selon vous, que signifie ce rôle, et que représente Vogue France aujourd’hui en tant que magazine et plateforme créative ?

Ce titre reflète plus fidèlement la réalité d'une profession en pleine mutation. Nous ne nous contentons plus de diriger une rédaction d’un magazine print. Aujourd’hui, nous sommes de véritables créateurs et producteurs de contenu pour tous les canaux : presse écrite, web, réseaux sociaux et événements. Au-delà de cet aspect, ce rôle signifie également que je porte un héritage, et je le considère comme une véritable responsabilité. Je veux le préserver, mais également l’ancrer dans la réalité d’aujourd’hui. C’est comme lorsque vous reprenez une maison de couture avec ses archives.

 

Vogue France, tant ici qu'à l'international, a toujours eu une image distincte, une esthétique et une énergie uniques. Elle était indéniablement française, et elle était également incarnée par sa rédactrice en chef. Aujourd'hui, je suis peut-être son visage, mais il ne s'agit pas de moi. Ce que j'apporte, c'est mon expérience. La question que je me pose toujours est la suivante : à quoi cela ressemblerait-il aujourd'hui ?

 

Dans un moment de basculement, le numéro de septembre présente une conversation avec Carine Roitfeld et un regard sur les archives, tout en rendant hommage à la Haute Couture, exception française. Qu’est-ce qui a guidé cette approche éditoriale, et comment pensez-vous qu’elle éclaire la mode d’aujourd’hui et son avenir ?

Carine Roitfeld est une personnalité de mode incontournable et bien sûr, une figure majeure de Vogue dont l’héritage continue de nous influencer. Revenir avec elle sur ses années à la direction de Vogue Paris est aussi, tout comme ce que nous attendons des prochains rendez-vous de la fashion week parisienne, une façon de raconter l’esprit de ce magazine, où la mode a toujours été une subtile expression culturelle tout autant qu’un point de vue très fort sur le style. 

 

 

 

 

Propos recueillis par Reuben Attia