FONDATION AZZEDINE ALAIA / PASSION TRANSMISSION
« Depuis de nombreuses années, j'achète et je reçois les robes, les manteaux, les vestes qui témoignent de la grande histoire de la mode. C'est devenu chez moi une attitude corporative de les préserver, une marque de solidarité à l'égard de celles et ceux qui, avant moi, ont eu le plaisir et l'exigence du ciseau. C'est un hommage de ma part à tous les métiers et à toutes les idées que ces vêtements manifestent » assurait Azzedine Alaïa (1935-2017).
Inaugurée en 2018, la Fondation Azzedine Alaïa, au 18 rue de la Verrerie, dans le Marais, s’est imposée de manière magistrale, au rendez-vous de l’art et de la mode. Rigueur, passion, convictions magnifient le point de vue d’une équipe présidée par Carla Sozzani, dans la fidélité à un maître de la ligne, dont on retrouve ici l’exigence. « La quête de l’invisible guide les plus grandes œuvres. Azzedine Alaïa poursuit la recherche d’une couture définitive dont il est le virtuose même s’il ne le montre pas » relevait Olivier Saillard, en 2018, à l’occasion de l’exposition inaugurale de la Fondation, « Azzedine Alaïa, je suis couturier ». Alors que s’ouvre l’exposition « Azzedine Alaïa et Thierry Mugler » mettant en scène, sous la direction d’Olivier Saillard, directeur de la Fondation, deux décennies de connivences artistiques » entre les deux créateurs, Carla Sozzani, fondatrice, présidente de la Fondation Azzedine Alaïa, revient sur les fondamentaux de ce lieu de mémoire. Une Fondation Azzedine Alaïa résolument tournée vers l’avenir autant que la préservation d’une œuvre et d’une collection uniques. Interview. L.B
Que représente le Patrimoine Alaïa aujourd’hui en termes de collections ?
Le Patrimoine inclue deux grandes collections de mode distincte : d’un côté, l’’œuvre d’Azzedine Alaïa qui représente environ 22.000 pièces plus accessoires et chaussures, depuis ses débuts jusqu’à sa mort, en 2017. De l’autre, une collection dédiée à l’Histoire de la Mode, avec les grands maîtres collectionnés par Azzedine Alaïa depuis 1968. L’ensemble ne compte pas moins de 150000 pièces, de Paul Poiret à Madame Grès, de Madeleine Vionnet à Comme des Garçons. A ces deux collections majeures s’ajoutent les importantes collections de design et de photographie, qui correspondaient également aux passions d’Azzedine Alaïa
Combien de personnes sont-elles mobilisées autour de cette activité ?
Il y a deux groupes, l’un de trois personnes pour la collection de l’œuvre d’Azzedine Alaïa, et l’autre, de deux personnes, pour l’Histoire de la Mode
Quelles ont été les grandes dates en termes de développement, depuis la création de la maison ?
L’œuvre d’Azzedine Alaïa peut se décomposer en trois grandes parties :
1956-1982, de l’arrivée à Paris et le stage chez Dior au triomphe à New York en 1982.
1983-1992 : les années des grands succès, suivies par une période de retour à une clientèle confidentielle et à une distribution ultra sélective, auprès de clients très fidèles comme Barneys.
2000- 2017 : une deuxième période de grande reconnaissance de son travail de couturier
Et la création de la Fondation Azzedine Alaïa?
Elle remonte à 2018-2020, sa reconnaissance d’utilité publique établie par décret en février 2020. À ce jour, elle exerce trois activités principales que sont l’archivage, les expositions (livres et catalogues), l’activité éducative.
Quelle était la vision d’Azzedine Alaïa en termes de patrimoine?
Il voulait conserver un patrimoine de la mode en France. Il était fier d’être devenu citoyen français. Azzedine Alaïa voulait que son œuvre et celle des maitres de la mode qu’il avait acquise en 50 ans reste préservée, exposée et puisse aider les nouvelles générations à apprendre les secrets de la couture.
Avez-vous identifié et documenté tout ce qu’il a acquis ?
Pas encore, c’est un long travail d’archivage et de numérisation.
Quelles sont les forces mobilisées pour la conservation ?
Elles se déploient autour de deux groupes, un de trois personnes pour la collection de l’œuvre d’Azzedine Alaïa et un pour l’Histoire de la Mode avec deux personnes
Et la restauration ?
Elle s’effectue en interne, avec la même équipe et nous faisons également appel à des restauratrices en free-lance.
Quelles sont les difficultés, les contraintes ?
Azzedine Alaïa avait acquis cet immeuble en plein Marais et qui a permis à la Fondation de réaliser des archives exceptionnelles dignes de celles d’un musée. La seule difficulté est le temps… Ce qu’il a conservé est immense… il faudra encore trois ans pour arriver à terminer.
Comment les collections sont-elles répertoriées, et que gardez-vous dans l’ensemble de toutes les collections produites par la maison ?
Azzedine avait tout gardé, la Fondation Azzedine Alaïa conserve toutes les pièces et accessoires de l’œuvre d’Azzedine Alaïa, depuis les années 70 à sa dernière collection pour l’été 2018.
Quelle est l’exposition qui à ce jour a connu le plus de succès ?
La première : « Azzedine Alaïa je suis couturier » (2018), avec 41 modèles d’absolu exprimant la quintessence d’une œuvre. Et puis « Azzedine Alaïa couturier collectionneur » au Palais Galliera (2023) qui a mis en lumière sa collection patrimoniale.
Qu’en est- il de l’activité liée aux prêts ? Aux expositions ? En 2024, et cette année ?
La Fondation Azzedine Alaïa a consenti plusieurs prêts pour différentes institutions, notamment pour le Centre Pompidou, Le Musée des Arts Décoratifs, V&A, le Palais Galliera, le Louvre. On a depuis 2019 une collaboration constante avec le SCAD, aux États Unis, avec en 2024, une exposition d’une partie de la collection Balenciaga acquise par Azzedine Alaïa ; puis cette année, puis celle de Jeanne Lanvin qu’il admirait, et dont il avait rassemblé plusieurs centaines de ses modèles. Une autre exposition est en préparation avec le Musée tissu de Prato, « Azzedine Alaïa couturier »
Quels sont les autres grands projets à venir ?
Une exposition sur les origines d’Azzedine Alaïa au Musée du Monde Arabe avec Jack Lang, sera probablement appelée « Azzedine Alaïa et la Méditerranée », et en automne 2025 « Azzedine Alaïa et Christian Dior », la collection de Christian Dior d’Azzedine Alaïa, il avait collectionné presque 500 pièces…
Propos recueillis par Laurence Benaïm