Magalie Guérin : "Le Festival de Hyères est pensé pour diffuser la création contemporaine auprès des professionnels comme du grand public."
Directrice adjointe de la Villa Noailles, Magalie Guérin contribue depuis vingt ans au projet collectif et visionnaire fondé par Jean-Pierre Blanc, héritier de l'esprit des mécènes et esthètes Marie-Laure et Charles de Noailles. Hyèroise, elle a grandi avec le Festival qui la passionnait déjà adolescente, et porte aujourd'hui avec les équipes de ce centre d'art au rayonnement international, profondément ancré localement, la même mission : découvrir et soutenir les jeunes talents de la mode, de la photographie, du design et de l'architecture à travers un accompagnement sur-mesure, attentif et bienveillant. Une philosophie du partage réaffirmée en cette 40e édition.
De quoi ont besoin les jeunes artistes ? D’un espace pour exposer, de conseils pour mûrir, de rencontres pour se construire. C’est précisément ce que propose depuis 1986 le Festival de Hyères, fondé par Jean-Pierre Blanc. Initialement dédié aux créateurs de mode, le festival s’est ouvert à la photographie en 1997, puis aux accessoires en 2016, poursuivant sa mission de soutien à l’émergence artistique. La Villa Noailles, réhabilitée en 2003 comme centre d’art contemporain, est un lieu de rencontre et de dialogue pour la création, émergente comme établie. "C'est fou de voir que ce qui paraissait tellement ambitieux a finalement coché toutes les cases", souligne Magalie Guérin. Née à Hyères et diplômée des Beaux-Arts de Marseille, elle a grandi avec la Villa à l'horizon. Elle y fait d'abord un stage puis quelques missions dans l'équipe de production, à la régie, et découvre "l'excitation de travailler pour un projet de grande ampleur, avec de nombreux de corps de métiers différents". Après trois ans, sa trajectoire bascule : "Deux jours avant d'obtenir mon diplôme, le régisseur de l'époque m'appelle avec deux nouvelles, une mauvaise et une bonne. La mauvaise, c'est que je n'allais plus travailler avec lui. La bonne, c'est que le directeur voulait que je rejoigne son équipe, à la direction artistique." Jean-Pierre Blanc, remarquable détecteur de talents, lui accorde sa confiance. "Je repense parfois à la jeune fille de 14 ans que j'étais, qui avait supplié sa mère de lui acheter le Vogue Italie. Et grâce au Festival de Hyères, c'était chez moi." Les personnalités figées sur les pages du magazine deviennent ses interlocuteurs. "Je me suis retrouvée entourée de grands commissaires d'expositions, d'artistes avec des auras et des parcours qui m'impressionnaient." Quand Jean-Pierre Blanc lui propose le commissariat d'une exposition, elle hésite et lui demande s'il la croit capable d'y arriver. "Il m'a répondu : 'Évidemment, puisque tu vas le faire'. C'est cette confiance, cette manière de dire aux autres : 'j'assume avec toi'."
"A la Villa Noailles, tout est fait pour mettre les créateurs dans une situation de confort, dans la bienveillance et le partage. Je dirais qu'on ne sait pas travailler autrement. Je fais ce que j'aurais aimé qu'on me fasse si j'étais à leur place."
"Pour les trois disciplines en compétition - Mode, Photographie, Accessoires -, les jurys déterminent les 10 finalistes par catégorie parmi les centaines de candidatures reçues. C'est gratuit de postuler, ce qui est assez rare." Magalie Guérin s'occupe principalement des finalistes en photographie et en design produit qu'elle rencontre dans un premier temps pour "qu'ils m'expliquent avec leurs mots, et pas à travers un dossier papier, quelle est leur vision de la photographie, le sujet de leur série". Une fois chaque projet cerné, débute un accompagnement minutieux, sur-mesure. "On rencontre nos partenaires à Paris, notamment à la librairie 7L, partenaire majeur du Grand Prix. Le lauréat ou la lauréate se voit offrir la publication d'un livre dédié à son travail." Les finalistes découvrent ainsi l'ensemble des étapes de réalisation d'une exposition et d’une édition de livre. "On va aussi au laboratoire de Sheriff Projects qui va réaliser tous les tirages. On se rend également à l'Atelier Mondineu qui crée les encadrements." S'ensuivent des rendez-vous réguliers qui peuvent durer d'une à deux heures. "De mon côté, je dois concevoir une exposition collective équilibrée pour donner la même chance à chacun." Les préparations vont jusqu'aux répétitions des présentations au jury, avec la presse ou le grand public. "On se met en condition avec les collègues et parfois avec les anciens lauréats, qui sont présents à la Villa Noailles pour leurs propres expositions, qui se prêtent au jeu. Ça permet aux artistes d'être dans les meilleures conditions." Elle réalise un catalogue, digital cette année, où chaque photographe écrit un texte. "Je les accompagne parfois dans l'écriture. Il arrive régulièrement que les artistes aient un peu de mal à identifier ce qui est primordial dans leur travail." Depuis quinze ans, elle dirige par ailleurs toute la partie édition de la Villa Noailles, les catalogues, les livres. Une sensibilité pour l'écriture qui a toujours été présente chez elle, développée aux Beaux-Arts à travers des projets faisant appel à la littérature, à l'impression, la sérigraphie, la gravure et l'édition.
"Cette année, le programme du Festival est encore plus développé au service de tous les publics."
Magalie Guérin et Julie Liger, également directrice adjointe, ont construit ensemble cette 40e édition en replaçant les concours au centre. Cette année, pas de président de jury : tous les membres des jurys sont présidents. "Les espaces habituellement dédiés aux expositions des présidents de jury vont cette année aux finalistes et aux lauréats de l'édition précédente. L'ensemble de la Maison leur est dédié. L'idée est aussi de créer des rencontres." Elle observe notamment une atmosphère d'entraide, familiale. "Les anciens lauréats conseillent avec bienveillance leurs successeurs. Il y en a également dans les jurys, Luis Alberto Rodriguez pour la photographie, Julien Dossena pour la mode, ça donne des perspectives." Certains proposent même des ateliers, comme Manon Marcelot, finaliste accessoires du 36e Festival, ou La Cage, finalistes mode du 39e Festival. "On a aussi fait en sorte que les professionnels et le public puissent passer le maximum de temps avec les finalistes et avec les lauréats." Des moments d'échange sont organisés avec les professionnels, la presse ou le grand public. "C'est très rare de pouvoir accéder à ça, à un créateur qui va lui-même présenter sa collection, la dimension artistique et intellectuelle de son travail. C'était vraiment important pour nous de replacer ça au centre."
Les Rencontres Internationales de la Mode, organisées par la Fédération de la Haute Couture et de la Mode, partenaire du Festival, s'installent cette année sur le parvis de la Villa, accessibles à tous. "Ce sont des rencontres professionnelles et il y a énormément d'étudiants qui s'accréditent pour le festival, ce qui est gratuit pour eux. C'est aussi l'occasion de montrer qu'il y a beaucoup de métiers que peut-être on ne se représente pas, et ça peut encourager des gens." Cette édition accueille également les premiers salons des éditeurs de livres de mode et de photographie. "On a invité des éditions indépendantes, parfois créées par des artistes eux-mêmes, et des grands éditeurs, pour présenter plein de publications, de livres, de magazines. C'est une manière d'inclure, et de dédramatiser aussi. De rendre accessible."
Reuben Attia