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Dans les yeux de Gaelle Duval - Seconde d’Atelier Dior

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Les doigts d’organza

Dans ses doigts, dans ses yeux, le métier est là comme une évidence depuis sa plus tendre enfance. Bac professionnel, BTS dans la mode et contrat de formation, les années qui ont suivi ne font que prolonger une passion : « Petite, je faisais les vêtements de mes poupées. Un morceau de tissu, un élastique devenaient un jupon pour mon doudou.​​ » Arrivée en 2015 comme intérimaire, elle est engagée chez Dior, dans l’atelier Flou de Madame Jacqueline. Une main Flou ? « C’est la poésie qui s’ajoute à la rigueur ». Une grâce qu’on retrouve cette saison, dans ces modèles en apesanteur. « Le Flou, c’est la sensibilité à fleur de peau ». Celle qui exige également, au-delà de la dextérité, une intuition particulière : « La mousseline, c’est volatile, ça fuit entre les mains. Le tailleur, c’est plus docile. Toute la difficulté, c’est de dompter les tissus en les laissant parler. Laisser libre leur tombé. » 

 

Pour l’été 2024, 12 modèles, sur 59 ont été réalisés dans cet atelier, où un bustier aux plumes « en coup de vent », donne le ton. Sur sa table, un panneau de tulle se laisse chatouiller par des plumes, noires cette fois.  « Chacune est cousue une à une. La cape manteau vole. »  

 

Reste la moire, « une faille travaillée à la main dans un jeu de lumière. Elle n’aime pas l’humidité. On la repasse à sec. Ça ne pardonne pas. Gonflante d’un côté (le sens travers), et raide de l’autre (sens lisière), la faille se métamorphose en fourreau exigeant plus de 500 heures de travail. Ce que j’aime, c’est construire, caler, faire la toile. Je suis un peu couteau-suisse », ajoute Gaelle. 

 

« Je peux couper, faire un patron, c’est presque une forme de méditation. On est concentré, le cerveau s’évade, c’est un geste souple, tout en rondeur. » En face d’elle, il y a madame Jacqueline, la Première, celle qui en juillet prochain prendra sa retraite. Le compte à rebours commencera au 150e jour, quand chaque jour, elle prélèvera un centimètre sur son mètre ruban. « Madame Jacqueline m’a énormément transmis. J’ai gagné auprès d’elle de l’assurance. La haute couture, c’est la précision. Quand mon fil fait des nœuds, je sais que c’est parce que je suis tendue, alors je le laisse et reviens plus tard ».