Qu’il s’agisse de vêtements, d’accessoires, d’œuvres d’art ou d’objets, le monde de Paul Poiret s’exprime de manière polychrome, révélant un point de vue haut en couleurs sur le monde. Les femmes croient se distinguer et reconnaitre dans la gamme des gris. La mode a besoin aujourd’hui d’un nouveau maître » assurait-t-il encore. Né à Paris en 1879, c’est en 1903 que formé auprès de Jacques Doucet, Paul Poiret ouvre sa propre maison de couture, imposant une esthétique en rupture avec l’académisme hygiéniste des lignes en S de la fin du dix-neuvième siècle : en supprimant le corset, voici qu’il met au grand jour un corps affranchi, tout en courbes, avec pour manifeste, la fameuse robe « Joséphine » de 1907. Il s’agit non seulement d’une relecture radicale de la morphologie, mais d’une correspondance avec l’art de son temps, à travers une palette inspirée par le fauvisme. Collectionneur, il collabore avec des artistes, qu’il s’agisse de Paul Iribe, Raoul Dufy, et au lendemain de la première guerre mondiale, fait souffler sur la mode le vent venu des Ballets Russes. Il va créer sa propre maison de parfums, participer à l’exposition Internationale des Arts décoratifs, affrétant trois péniches pour présenter son univers.
Au-delà de la dimension rétrospective, de la beauté des pièces, dessins d’Iribe, robe « Marrakech », photos montrant Denise Poiret, épouse et muse, habillée par Paul Poiret, on est frappé par les jeux de correspondances de l’exposition et venus convoquer les modèles palettes d’Yves Saint Laurent, Dries Van Noten, Azzedine Alaia, Jean Paul Gaultier, Alphonse Maitrepierre, comme autant d’invités d’une mille et troisième nuit. Un véritable bal des matières dans lequel velours de soie paillettes, et damas de soie changeant participent à un véritable hommage de la mode au maître injustement méprisé par Gabrielle Chanel, et souvent réduit à un vieux monsieur dépensier aux goûts anachroniques.
Il y a quelque chose de monumental, de généreux, dans cette œuvre qui témoigne d’un gout cosmopolite celui d’un visionnaire reconnu par Christian Dior comme le grand rénovateur de la mode, ainsi que le décrit avec émotion et panache Marie Sophie Carron de la Carrière, dans le catalogue d’exposition qui lui est consacré : » A la manière d'un directeur artistique des temps modernes, Poiret a été un découvreur et un rassembleur de nouveaux talents invités à collaborer à ses projets créatifs. Précurseur de l'Art déco dans sa définition de 1925, il a englobé tous les arts appliqués en décloisonnant les disciplines, et défini un nouveau style d'habillement et d'environnement, dont il a regroupé les composantes sous une même griffe. Artiste sensible, érudit et épicurien, il exerçait ses dons dans des univers multiples allant de la couture et des costumes de théâtre aux arts décoratifs - mobilier, impression textile, papiers peints, tapis, luminaires -, à l'architecture intérieure, au parfum, mais aussi à la peinture et à la musique, sans oublier la pédagogie, à travers la fondation d'une école, et la gastronomie, seul art mobilisant, selon lui, tous les sens. »
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Catalogue Paul Poiret, la mode est une fête, Gallimard, 2025, 49 euros.