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Paolo Roversi - Peintre de la mode

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"La mode, c'est l'éphémère, c'est un fleuve qui coule. J'aime rester sur le bord et ne pas sauter sur chaque vague. Profiter de cette merveille qui change tout le temps". Dans un monde dominé par l'urgence, la retouche, le selfie, l’obsession de la perfection, il tranche. Né à Ravenne (Italie), en 1947, -l’année du New-Look de Christian Dior-, Paolo Roversi a fait de son regard un royaume d'ombres et d’apparitions, "La mode est une histoire, un flux, une toile de fond sur laquelle viennent s'inscrire des personnages".

Quand tant d'autres luttent pour exister, ce portraitiste calligraphe s’efface, attentif à exprimer, dans le sillage d'un Balthus, l'universel. La femme se reflète dans un vêtement et réciproquement. « Quand cet échange d'énergies entre la mode et celle qui la porte opère, alors la magie se produit". La bretelle d'une robe retombe légèrement sur un bras, une jupe rose poudre tournoie, la soie frémit, un oiseau de paradis surgit dans un mirage de plumes, autour de lui tout est noir. 

 

Paolo Roversi ? Des visages éclairés à la lampe torche, des présences suggérées, comme dessinées et surgies d’une Renaissance contemporaine. Le regard d'un peintre. "Le créateur de mode étant l'auteur de la partition, le photographe et son équipe en sont les interprètes". Le voici doublement à l’honneur, avec une rétrospective au Musée Galliera, et un livre, ces “lettres sur la lumière”, précédées d’un texte d’Erri de Luca : “ Paolo extrait de l’irréelle beauté de certains corps le souffle d’un soupir, l’instant de surprise d’un réveil. Je regarde, ma pupille se dilate involontairement, et je puise au court instant de l’émerveillement”. 

 

Dans cette correspondance avec le philosophe Emanuel Coccia, chaque lettre semble dictée par une contemplation intérieure. “L’histoire de la photographie est aussi celle de la lumière, et inversement. Une histoire ancestrale : au commencement est le Soleil, une énorme boule de feu qui émet chaleur et lumière ; puis les humains ont appris à faire du feu tous seuls”.  Paolo Roversi écrit encore : «  il n'y a jamais cette froideur, ni l’idée d’une nouveauté́ : l’appareil photographique est une présence chaleureuse, humaine, et surtout presque évidente, comme s’il s’agissait d’un compagnon de voyage qui vit aux côtés des humains depuis des siècles ». Le mystère est là, ensorcelant, à l’image de cette rétrospective dévoilant cinquante ans de photographies, sous le regard d’un peintre de l’image. Celui dont les photographies sont marquées par des collaborations d’exception, de Yohji Yamamoto à Dior, sous le soleil absolu de l’imaginaire et de la réalité sublimée par l’illusion et le rêve. 

 

Paolo Roversi, Emanuele Coccia, Lettres sur la Lumière, Gallimard. 

Paolo Roversi, Musée de la mode de la ville de Paris,  du 16 mars au 14 juillet 2024. 

 

Par Laurence Benaïm.