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Quand Paris fait encore rêver

Inspirations

Avec 23 nationalités représentées dans son Calendrier Officiel, la Paris Fashion Week® parvient à conserver son pouvoir d'attractivité. Des grandes maisons établies en passant par les avant-gardes expérimentales, un large panel des cultures et esthétiques s’unissent dans la capitale, peignant une scène éclectique. Reflet de l’époque ?

Des tricots aux couleurs pop résultant d’un technologie 3D développée par ordinateur utilisant des fils de polyester certifiés et durables : les mailles à l’esthétique minimaliste de CFCL sont présentées depuis plusieurs années à Paris et clôtureront cette saison la journée d'ouverture de la Paris Fashion Week®. Un premier défilé pour la marque japonaise fondé Yusuke Takahashi en 2020 après être passé par Issey Miyake, maître du pli et du vêtement innovant. Quelques heures avant CFCL, c’est la griffe new-yorkaise Vaquera aux créations subversives, entre culture rave et grunge, qui frappera le podium.

D’une esthétique à l’autre, d’une idée de la mode à l’autre, la capitale Parisienne parvient à réunir dans son calendrier des visions de plus en plus éclectiques, tel un démenti de l’idée de la mode comme instance d’uniformisation. Les possibilités sont plurielles, et cela tient aussi à la diversité des cultures. 23 nationalités cette année avec notamment le retour du duo belge Ester Manas aux créations body positives, ou encore le label suisse VETEMENTS, ayant bouleversé le monde de la mode en 2015 avec son esthétique post-soviet.

Des Fashion Weeks sur le modèle de celles de Paris, Milan, Londres ou New York naissent depuis plusieurs années dans les capitales du monde entier. Pourtant, Paris demeure un carrefour incontournable : c’est la ville où s'est inventé le métier de couturier en 1848, et qui s’ouvrait dès 1973 à l’international - accueillant Kenzo ou Issey Miyake, puis les 6 d’Anvers, et les enfants terribles (John Galliano et Alexander McQueen) de Londres qui participeront à la relance des Maisons de Couture rachetées par LVMH durant les années 1990. Aujourd’hui, des grands noms de la scène internationale choisissent Paris : les sœurs Olsen et le Quiet Luxury de The Row, ou encore MiuMiu par Miuccia Prada, sacrée marque de l’année 2023 par Lyst Index.

Dans l’ouvrage collectif « 19 regards sur la mode » (Institut Français de la Mode), le professeur en science de la gestion David Zajtman expliquait que peu de capitales parviennent à maintenir leur statut car « peu de villes sont fréquentées régulièrement par les professionnels de l’industrie de la mode ». Que ce soient les grands acheteurs, les médias clé et les personnalités influentes, cet écosystème rassure plusieurs jeunes designers.

Accompagner les jeunes créateurs

C’est notamment le cas de la créatrice espagnole Paula Canovas Del Vas qui a lancé sa marque éponyme en 2018 après avoir fréquenté le banc de la Central Saint Martins : « J’ai passé 12 ans à Londres où j'ai étudié et fondé ma marque. Cela m’a permis de développer une identité visuelle forte, mais à un certain point c’était insuffisant. Il fallait aussi vendre. Et j’ai toujours eu des showrooms à Paris. J’ai vite compris que c’était en intégrant cette scène que je pourrais me développer et pérenniser la marque. » souligne-t-elle. En plus des structures d’accompagnements des jeunes marques, la créatrice note la présence de nombreux prix : L’ANDAM, le prix LVMH ou encore le Festival de Hyères qui sont autant de moments de rencontres, d’échanges et de possibilités de partenariats business et créatifs pour des marques débutantes.

Basée en Belgique, mais présentant chaque saison à Paris, la Belge Meryll Rogge ayant fondé sa marque en 2020 note elle aussi qu’il existe une place particulière pour les jeunes créatifs à Paris. « Même si la vie reste élevée à Paris, elle est encore possible contrairement à d’autres grandes capitales. C'est un facteur important pour que des jeunes puissent lancer leur marque et je trouve que beaucoup parviennent à émerger à Paris. Et cette dynamique jeune infuse l’ensemble du système. » 

Innovation et artisanat

Rogge ajoute que la valorisation de l’artisanat est également un trait attractif spécifique à la capitale qui développe plusieurs projets de sauvegarde et valorisation, notamment via le 19M. Pour Canovas Del Vas, l’artisanat est un moyen essentiel pour penser une mode durable. « Plus le vêtement est qualitatif, plus les gens aimeront le vêtement et auront envie de le porter longtemps. Pour développer mes chaussures, j’ai besoin de 8 artisans, c’est beaucoup de temps, de travail, mais c’est essentiel. Mes priorités sont la qualité et le confort. J’y consacre une grande part de mon énergie. » explique-t-elle.

Aujourd'hui, les propositions artisanales aux esthétiques variées se multiplient sur la scène parisienne : que ce soient les longues robes opalines minutieusement réalisées à la main par Róisín Pierce dans son studio en Irlande, ou les tricots ornés de broderie traditionnelle de Maxhosa By Laduma, fondée par Laduma Ngxokolo, originaire d'Afrique du Sud.

Émulation culturelle

Mais Paris, c’est également un mythe mondial, nourri d'un palimpseste de représentations, que ce soient les écrits de Baudelaire, les films de la nouvelle vague, et plus récemment la série Emily in Paris. La ville nourrit les imaginaires : « J'ai un amour profond pour cette ville qui a été la destination de mes rêves depuis mon plus jeune âge. J'adore les films français, comme ceux de Gaspar Noé, et je suis fascinée par l’histoire riche de Paris, associée au romantisme, à la poésie, à l'art, la musique et, bien sûr, à la mode. Présenter mon travail à Paris revêt donc une importance considérable pour moi », explique la créatrice chinoise Di Di, ayant fondé sa marque éponyme en 2018 en Chine avant de venir s’installer à Paris, où elle se sent « entourée de personnes talentueuses. » 

Paula Canovas Del Vas apprécie elle aussi retrouver des artistes de divers mondes artistiques et artisanaux, comme son amie la cuisinière Zélikha Dinga derrière l'entreprise de restauration Caro Diario.

Carrefour économique et culturel, Paris parvient toujours à séduire. Reste à découvrir les inspirations que l'écosystème aura suscitées cette saison. 

Manon Renault