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3.PARADIS, Emeric Tchatchoua

Interviews

Dans le Calendrier Officiel depuis deux saisons, Emeric Tchatchoua célèbre, au-delà d’un style, une vision sur le temps, un idéal nourri de rêves et de valeurs en apesanteur.

Quel est le thème de cette collection ?

J’y travaille depuis janvier. Je pensais connaître le thème, je ne l’ai découvert que quinze jours avant la collection. La collection dernière, j’ai voulu célébrer un moment de pause, à travers « Quiet storm ». C’était un questionnement sur le temps lent, pour prendre du recul, respirer, et contempler. L’obsession demeure. J’ai voulu prendre le contrepied. J’ai traduit ce thème par la métaphore du désert : un lieu où le temps paraît infini, nous sommes tous des voyageurs à la recherche d’une oasis. J’ai cherché à parler de l’illusion, du côté éphémère de l’existence. Pour accepter de vivre, il faut accepter la mort. C’est une question existentielle. J’ai exploré des formes en mouvement, j’ai travaillé des textures, des drapés qui évoquent les dunes sculptées par le vent, des couleurs inspirées de celles des Touaregs, du ciel, du sable traité de manière allégorique, avec des brillances, des cristaux, des perles brodées par l’Atelier Latour. Un personnage, le « Watch men », apparait comme le voleur de temps : nous avons créé des vêtements à partir des montres recyclées. 

« Je m’adresse à l'enfant intérieur qui sommeille en chacun de nous » Pourquoi un tel motto ? 

L’enfant, c’est la part de rêve que nous perdons, adulte. Mon livre préféré demeure le Petit Prince, il me permet de voir la vie sous un autre angle. Nous avons d’ailleurs collaboré avec le petit neveu de Saint-Exupéry, pour créer une collection de vêtements « Le Petit Prince », présentée dans le show. 

Vous êtes né à Paris, vous avez passé vos douze premières années à Montréal, puis vous avez découvert la mode japonaise. En quoi cette éducation si cosmopolite a-t-elle conditionné votre parcours professionnel ?

Cela m’a donné une ouverture d’esprit incroyable. J’ai pu faire l’expérience de la vie de manières différentes. Je me sens comme un citoyen du monde, et cet universalisme fait partie de l’ADN de la marque. 

Pourquoi le Paradis est-il si nécessaire aujourd’hui ? 

C’est un monde meilleur, celui qui est plein de rêves et de promesses. Il appartient à tout le monde et pas seulement à la sphère religieuse. Je veux me servir de ma marque pour célébrer un monde meilleur à travers cette recherche d’idéal. Si nous voulons réussir à survivre en temps qu’espèce, il serait bon que plus de gens aient un message positif dans ce monde chaotique. 

 Il y a trois ans vous avez fait vos débuts avec de la mode masculine. Qu’en est-il aujourd’hui ?

Dans chacune de mes collections, il y avait toujours six ou sept silhouettes féminines. Le paradis appartient à tout le monde. J’ai été élevé par deux femmes, ma mère et ma grand-mère.  

Que représente la France pour vous ? 

C’est ma maison, c’est là où j’ai grandi, c’est ma culture, même si je me sens très américain. Elle représente l’excellence, le bon goût, le raffinement, un certain épicurisme. Grâce à elle, je vois la vie à travers l’idéal des Lumières dont elle est toujours l’incarnation, malgré le climat actuel, malgré la situation économique qui crée des tensions, et cette période compliquée, où toutes les valeurs sont remises en cause. Il faut attendre que l’orage passe et que le beau temps revienne.

 

Propos recueillis par Laurence Benaïm .